Chapitre I/IV
Par Carla Maria Tarditi
L'architecte
Le Corbusier affirma que la famille Pleyel avait construit
l'auditorium idéal. Pour comprendre cette oeuvre architecturale, il
faut plonger dans l'histoire de Pleyel, des pianos et de ses
musiciens. L'histoire comporte quatre entrepreneurs de génie. Le
premier des pionniers c'est Ignaz Pleyel (1757-1831).
Autrichien
de Ruppersthal, dernier né d'une famille de 24 enfants, sa naissance
coûta la vie à sa mère. Elevé par ses soeurs, il montre des dons
exceptionnels pour la musique et part à Vienne, étudier chez le
compositeur Joseph Haydn, lui-même au service de la plus riche
famille d'Europe, la famille Esterhazy. Logé au château Esterhaza
qui comprend 126 pièces, une galerie de peinture, un opéra de 400
places et un théâtre de marionnettes, c'est sous la douce attention
de "papa Haydn" qu'Ignaz Pleyel étudie la composition. Il
assistera à la création des opéras et des symphonies de son
maître. Les Haydn n'ayant pas d'enfants, il bénéficie d'une
aimante attention. C'est ainsi qu'Ignaz Pleyel écrira son premier
opéra pour marionnettes ! A 20 ans, Ignaz a achevé sa formation
musicale ; il entre au service du Comte Erdoedy au château de
Fidisch, près de la frontière austro-hongroise. C'est là qu'il
compose ses deux premières symphonies. Il s'intéresse à un genre
très en vogue à l'époque : le Nocturne, musique que l'on joue le
soir en plein air. Ignaz compose plusieurs nocturnes pour cors et
hautbois pour le parc du Château de Fidisch.
Mais
bientôt, ce lieu lui semble trop petit, il a envie de voyager et
part pour l'Italie comme Mozart le fit avant lui. Il fit halte à
Milan, Naples, Rome et se lie d'amitié avec les grands musiciens.
En
1783, il est appelé à assister le vieux maître de chapelle de la
cathédrale de Strasbourg, riche évêché de France.A sa
disposition, l'orchestre et le choeur les plus importants de France
après ceux de la chapelle royale de Versailles.
En
acceptant ce poste, Pleyel hérite du droit de Bourgeoisie, c'est à
dire de la citoyenneté française et Ignaz devient Ignace. Il se
marie à la fille d'un ébéniste aisé. Il composera 41 symphonies,
2 opéras, 64 duos et avec Rouget de l'Ilse, l'hymne national
français "la Marseillaise".
En
1797, il s'installe à Paris, quartier de la Chaussée d'Antin.
Voyant les énormes bénéfices que se font les marchands en vendant
sa musique, il décide d'ouvrir une boutique d'éditions musicales.
Paris était alors la capitale européenne de l'édition musicale
avec 40 maisons d'éditions. Il publie ses oeuvres dont les premières
sont dédiées aux demoiselles Erard. Il crée la partition de
poche à prix réduit, bien utile aux chefs d'orchestres ! et
imprimera plus de 3000 titres.
Sa
renommée de compositeur est largement reconnue en Europe puisque
Mozart écrira à son père : " ce serait un hasard bien heureux
pour la musique si Pleyel était un jour en mesure de remplacer
Haydn ".
En
1798, Pleyel déménage pour un local plus grand, rue Neuve des
Petits Champs, où il pourra y établir son appartement, sa boutique
d'éditions et y ajouter une nouvelle activité : la vente
d'instruments. Certes, il a acheté pour son fils aîné Camille
aussi doué pour la musique, plusieurs pianos de marque Frard, mais
aussi des violons, trompettes, flûtes, clarinettes, etc.....
Son
fond de commerce prospère et suscite des jalousies chez ses
concurrents. On lui fera un procès qui durera 6 ans. Le succès des
éditions Pleyel est tel qu'Ignace achètera, à bon prix, de
nouvelles oeuvres qu'il éditera et ainsi, augmentera d'autant sa
réputation internationale.
En
1807, Beethoven écrira à Pleyel pour lui demander d'éditer
plusieurs de ses oeuvres. Mais cela ne suffit pas encore à sa
créativité, il décide de s'associer à Charles Lemme, facteur de
pianos à Paris pour créer ses propres pianos.
C'est
un risque car il entre en concurrence avec une trentaine de facteurs
de pianos parisiens, dont les Erard qui ont déjà à leur actif 6000
pianos. Le contrat stipule que Pleyel avance les fonds de la société
et Lemme son savoir.
Les
ateliers s'installent Faubourg Saint Martin en 1806. Ils fabriquent
un seul piano ensemble, le contrat sera rompu et Ignace
continuera son aventure seul ; sacré caractère ! Il loue un nouveau
local au 8 boulevard Bonne Nouvelle, et avec deux ouvriers, construit
en 1809 une vingtaine de pianos.
L'année
suivante, il dépose son premier brevet d'invention sur un procédé
nouveau de fabrication de cordes. Son brevet est accepté. En 1811,
il livre entre autres, deux pianos à Jérôme Bonaparte qui le
nommera "Facteur du Roi de Westphalie". Un vent de
modernisme souffle sur la fabrication Pleyel car Henri Pape, allemand
et ébéniste de formation, entre chez Pleyel pour apprendre la
facture instrumentale, évolue très vite et devient contremaître.
Il adapte le système de Broadwood, facteur anglais, pour la
fabrication des pianos qui sont alors carrés, à queues et
verticaux.
En
1815, on a déjà fabriqué 350 pianos et on change à nouveau de
local pour un plus grand sur le boulevard Montmartre.
Les
éditions Pleyel font des bénéfices importants, le fils Camille,
concertiste et compositeur, voyage de par le monde. Ignace
désire que son fils revienne à la maison et soit associé à la
direction. En 1820, le père annonce par voie de presse qu'à partir
de ce jour, toutes les opérations commerciales seront faites sous le
nom d' "Ignace Pleyel et Fils aîné". La santé du père
décline, Camille est aux commandes. C'est la fin du règne d'Ignace
Pleyel.
à suivre….
à suivre….
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